Editée sous la direction de Diderot et D'Alembert, l'Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, a nécessité la contribution et les compétences de plus de 150 collaborateurs parmi les plus habiles et les plus célèbres scientifiques, philosophes et écrivains de leur temps. Finalement composée de 28 volumes in-folio (17 de textes et 11 de planches) publiés entre 1751 et 1772, elle rassemble non seulement une somme considérable de connaissances sur les sciences, les arts et les métiers de cette époque, mais constitue aussi un important manifeste philosophique du siècle des Lumières.
Outre la charge de codirecteur qu'il assure avec Diderot jusqu'en 1758, D'Alembert est surtout connu comme l'auteur de son Discours préliminaire, de la préface du tome III, des Eloges de Montesquieu et de Dumarsais, de l'article Collège ou est critiqué l'enseignement de l'époque, de l'article Dictionnaire où sont dégagés les différents types et leurs objectifs, ou encore de l'article Genève et ses scandales sur la religion et ses spectacles. D'Alembert signe cependant un total d'environ 1700 articles, dont 90 pour cent d'articles scientifiques, parmi lesquels une très large part concerne les mathématiques au sens large (ce qui inclut notamment la mécanique, l'hydrodynamique, l'acoustique, l'astronomie et l'optique).
L'étude précise de ces différentes contributions de D'Alembert à l'Encyclopédie est souvent plus délicate qu'on ne croit. Leur édition critique au format papier bute plus généralement sur de nombreuses difficultés attenant à la complexité du processus de fabrication de l'ouvrage, à la multiplicité et à la complémentarité de ses nombreux collaborateurs, à l'hétérogénéïté de son contenu et aux multiples réseaux de renvois qui le sillonnent de part en part. Difficile, dans ces conditions, d'imaginer pouvoir isoler les contributions de D'Alembert du reste de l'œuvre (si tant est que l'on soit en mesure de toutes les identifier avec précision).
Compte tenu de ces nombreux obstacles, décision a été prise de mener à bien l'édition critique des contributions de D'Alembert dans le cadre d'un projet à la fois plus cohérent et plus ambitieux d'un point de vue scientifique : la réalisation de la première édition numérique, critique et collaborative de l'Encyclopédie. Une telle édition n'existe pas actuellement, que ce soit au format électronique ou au format papier. Soutenu par l'Académie des sciences de Paris, le projet ENCCRE aura donc vocation à combler cette lacune en offrant une édition à la hauteur de son objet, tirant le meilleur profit des plus récentes possibilités offertes dans le domaine de l'informatique et de l'ingénierie appliquée aux humanités numériques.
Ce projet fondamentalement pluridisciplinaire répond à deux principaux objectifs :
Il s'agit, d'une part, de redonner accès à ce qui constitue la matérialité de l'ouvrage : permettre de le prendre « numériquement en main », d'en consulter simultanément l'original numérisé et sa transcription, de le feuilleter page à page, ou encore de ressusciter les multiples réseaux de circulations qui la sillonnent (par le biais des innombrables renvois entre les 74000 articles et les 2000 planches qui la constituent).
Il s'agit, d'autre part, d'enrichir l'édition de toutes les nombreuses recherches, passées, actuelles et à venir sur l'Encyclopédie afin d'en éclairer le contenu aussi finement que possible et permettre ainsi au lecteur de mieux prendre la mesure du contexte scientifique, philosophique et politique dans lequel il s'inscrit, ainsi que de l'histoire éditoriale complexe et mouvementée qui a été le sien.
Pour atteindre cet objectif, l'équipe du projet ENCCRE a fait le choix d'organiser le travail d'édition critique selon un mode de travail collaboratif. A l'édition de l'Encyclopédie, librement accessible sur Internet, s'ajoutera donc une plateforme de travail partagée par les éditeurs (parmi lesquels de nombreux chercheurs spécialistes de l'ouvrage) permettant de croiser leurs apports, de conjuguer leurs compétences, et de rendre le tout accessible au public, via la première plateforme, au terme d'un chaîne de validation éditoriale rigoureuse.
Cette volonté, fondamentale pour le projet, d'ancrer le processus d'enrichissement critique sur le long terme doit non seulement contribuer à rendre l'édition la plus vivante possible, mais aussi stimuler de nouvelles recherches sur l'Encyclopédie, proposer de nouvelles lectures éclairées. Elle doit enfin permettre la constitution d'un réseau progressif de liens externes avec, d'une part, les multiples sources qui ont alimenté le colossal travail de rédaction et de compilation des collaborateurs de l'entreprise, et d'autre part, l'ensemble des encyclopédies et autres ouvrages qui s'en sont nourris à leur tour au cours des décennies voire des siècles qui ont suivi.
Pour plus de détails sur le projet, voir le site http://enccre.academie-sciences.fr.