Après un premier mémoire d'astronomie (p. 1-24) publié à Berlin en 1749, le volume est, pour l'essentiel, consacré aux premiers textes connus de d'Alembert sur le problème des trois corps, en particulier sur la théorie de la Lune. Il s'agit de deux mémoires (p. 27-58 et p. 137-160) publiés à Paris en 1749 dans les Mémoires de l'Académie royale des sciences pour l'année 1745, d'un mémoire inédit (p. 61-124) lu devant l'Académie en juin 1747 à la suite du premier des deux mémoires précédents, de deux plis cachetés (p. 125-136) déposés à l'Académie en décembre 1747, et d'un véritable traité inédit (p. 161-483) désigné dans cette édition sous le titre Théorie de la Lune de 1748. Le manuscrit autographe de ce traité et celui du mémoire inédit constituent le recueil de cote 2757 dans le fonds Rothschild de la Bibliothèque nationale de France. Les plis cachetés appartiennent aux Archives de l'Académie des sciences, qui possèdent également, dans leurs registres, des copies des trois autres mémoires.
Les années 1740 voient les premières tentatives de solution globale pour le mouvement de la Lune autour de la Terre, perturbé par le Soleil ou pour le mouvement d'une planète autour du Soleil, perturbé par une autre planète. La solution repose sur l'intégration d'un système d'équations différentielles établies à partir de la loi newtonienne de la gravitation, en supposant les corps assimilables à des points. Trois géomètres, Clairaut, d'Alembert et Euler s'attaquent au problème de la Lune. Clairaut et d'Alembert, dans leurs écrits de l'époque, posent le principe de la résolution du système d'équations différentielles d'une manière itérative. Mais, de même qu'Euler qui les a précédés de quelques années, ils ne réalisent, au cours de l'année 1747, que la première itération en substituant une solution pseudo-képlérienne à la position réelle de la Lune dans le calcul des forces perturbatrices. Pour cette raison, ils n'obtiennent tous trois que la moitié environ du moyen mouvement observé des apsides de la Lune, sans soupçonner que les itérations suivantes puissent fournir, pour cette quantité, une contribution aussi importante que la première.
Les limites chronologiques du volume sont celles d'une crise : la loi newtonienne de la gravitation universelle doit-elle être remise en question ? C'est l'avis de Clairaut, qui, à la séance publique de l'Académie le 15 novembre 1747, propose d'ajouter un terme à l'expression newtonienne inversement proportionnelle au carré de la distance. Ce sera aussi l'avis d'Euler, qui joint au problème posé par la théorie de la Lune des différences inexpliquées entre sa théorie du couple Jupiter -- Saturne (sujet du prix de l'Académie pour 1748) et l'observation. Buffon, au contraire, provoque une polémique contre Clairaut, en faveur de la loi newtonienne. Ces difficultés font l'objet d'une correspondance abondante de d'Alembert et de Clairaut avec Euler et le mathématicien genevois Gabriel Cramer. D'Alembert, sans participer à la polémique, cherche à expliquer le phénomène du mouvement des apsides de la Lune, soit par la figure des corps, soit par une force magnétique propre à la Terre.
La crise prendra fin en 1749, après que Clairaut se soit rétracté, le 17 mai, en annonçant devant l'Académie qu'il avait réussi à calculer une valeur du moyen mouvement des apsides de la Lune conforme à l'observation sans sortir du cadre newtonien.
En juin 1747, d'Alembert lit, devant l'Académie, les résultats d'une première théorie de la Lune et d'une théorie des perturbations apportées par la Lune au mouvement de la Terre (p. 61-124). Les calculs sont basés sur la méthode générale exposée dans un mémoire précédent (p. 27-58), mais l'intégration est réalisée en considérant l'orbite de la Lune comme une suite d'arcs d'une période ou d'une demi-période. Le procédé, peu commode, est abandonné, mais d'Alembert continue à travailler sur la théorie de la Lune, puisqu'en novembre et décembre 1747 il dépose à l'Académie plusieurs plis cachetés sur ce sujet. Dans les premiers plis, actuellement perdus, il constatait que sa valeur théorique du moyen mouvement des apsides était la moitié de la valeur observée, sans connaître encore les résultats analogues d'Euler et de Clairaut. D'après les Recherches sur différens points importans du systême du monde, il donnait également la méthode à suivre pour obtenir des expressions de plus en plus précises de ce moyen mouvement par itération.
L'expression du moyen mouvement des apsides apparaît, avec quelques éléments de la nouvelle théorie de la Lune, dans le mémoire (p. 137-160) lu par d'Alembert devant l'Académie en février -- mars 1748. Mais sa correspondance de 1748 montre qu'il pense à la publication d'un ouvrage plus général sur le mouvement des corps célestes dans le système newtonien ; elle permet de suivre également les difficultés qu'il rencontre dans la construction de sa théorie de la Lune et les progrès réalisés. En août 1748, il estime à 15'la différence entre son expression de la longitude et celle qu'il tire de la Lunae theoria newtoniana (voir I.B. Cohen : Newton's Theory of the Moon's motion (1702), Londres, 1975), si l'on ne considère que les termes périodiques. Mais le problème posé par le moyen mouvement des apsides demeure. D'Alembert abandonne ensuite la théorie de la Lune pour se consacrer à l'étude de la précession des équinoxes, qu'il envisage d'inclure dans son traité général sur le système newtonien. Mais au début de mai 1749, il a changé d'avis puisqu'il écrit à Cramer que ses Recherches sur la précession des équinoxes (Série I, volume 7 de la présente édition, à paraître) sont sous presse.
Le 18 mai 1749 -- le lendemain de la rétractation de Clairaut -- d'Alembert confie ses manuscrits sur la théorie de la Lune au secrétaire perpétuel de l'Académie des science. Ce sont ces textes, rédigés en vue de leur insertion dans l'ouvrage sur le système newtonien auquel avait pensé d'Alembert, que nous publions sous le titre : Théorie de la Lune de 1748, après remise en ordre des différentes parties et numérotation des chapitres et des articles.
La Théorie de la Lune de 1748 constitue une théorie complète du mouvement de la Lune -- dans les hypothèses du problème des trois corps : Terre, Lune, Soleil --, puisqu'elle fournit des expressions de toutes les composantes du mouvement à une certaine approximation.
Première théorie littérale de la Lune connue, elle permet d'observer la naissance des méthodes propres à ce type de solution.
Elle apparaît ainsi comme préliminaire à la théorie du Livre I des Recherches sur le systême du monde. La différence principale concerne le moyen mouvement des apsides qui reste la moitié de la valeur observée, bien qu'un chapitre (p. 455-483) -- reprenant sans doute le contenu du pli cacheté de novembre 1747 -- expose, sans l'appliquer, la méthode d'amélioration qui sera utilisée dans les Recherches.
A ce titre, la Théorie de la Lune de 1748 apporte de précieuses informations sur la position de d'Alembert au cours de la crise et un chapitre (p. 245-289) est consacré à ses tentatives pour expliquer le phénomène présenté par le moyen mouvement des apsides, ainsi qu'à l'interprétation de textes de Newton et de ses commentateurs.
Un autre problème, que d'Alembert semble avoir été le seul de son époque à évoquer, est celui de l'équation (c'est-à-dire de la variation périodique) de l'apogée donnée par Newton, qui ne s'accorde pas avec la nouvelle théorie. Mais sur ce point, les théories modernes montrent que d'Alembert a raison, comme il finit lui-même par s'en convaincre.
Les ratures et corrections du manuscrit -- dont l'édition essaie de rendre compte -- traduisent les difficultés rencontrées par d'Alembert au cours de l'élaboration de sa théorie et les erreurs faites, puis corrigées, dont sa correspondance se fait l'écho. On en verra un exemple avec le Corollaire général (p. 443-446), qui sert de conclusion à la Théorie de la Lune de 1748, si l'on excepte le texte supplémentaire sur l'amélioration du moyen mouvement calculé des apsides.